Histoires de fous
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Evolution de l'humanité : la preuve par l'oeuf
Le douloureux destin de Jean-Emile Acharu, à Vanlébeu (Agriculteur)
12 mars 1963, 18 h 33 : Jean-Emile Acharu, Agriculteur à Vanlébeu, est retrouvé mort à côté de son poulailler.
13 mars 1963, 9 h 17 : Le gendarme Gaston Moulinvatrovit, chargé de l'enquête, conclut à une mort naturelle après de rapides investigations, notamment une perquisition du réfrigérateur de la victime où la découverte de 18 bouteilles de vin blanc et deux œufs laisse penser à une indigestion. L'affaire est classée.
5 Septembre 2010, 11 h 44 : Le commissaire Eugène Barbapoil, chargé d'élucider les affaires trop facilement classées, après avoir obtenu la réhabilitation de Ravaillac à grand frais de procès en appel, penché sur son Mac, tombe sur le dossier "Jean-Emile Acharu". La facilité avec laquelle l'enquête fut conclue lui met la puce informatique à l'oreille.
7 Septembre 2010, 9 h 32 : Le commissaire ayant obtenu l'exhumation du réfrigérateur du défunt, une autopsie de ce dernier révèle que les deux œufs n'étaient pas frais.
8 Septembre 2010, 0 h 55 : Le patron de Paris-Soir, Anatole Dacier, arrête les rotatives et fait titrer " Le mystère de Vanlébeu enfin élucidé ! Que fait la commission européenne ? La population en danger !! " Il quadruple le tirage !
8 Septembre 2010, 8 h 43 : les syndicats de la filière avicole demandent audience auprès du président de la république. Ils sont reçus par le secrétaire général des boissons gazeuses qui est alors disponible et qui leur assure que le président va suivre cette affaire de près.
8 Septembre 2010, 12 h 58 : Le présentateur du journal de 13 h, après avoir annoncé de la pluie sur la moitié de la majeure partie du territoire, ouvre avec ce titre : " La France a peur ! "
9 Septembre 2010, 10 h 59 : Une manifestation monstre rassemblant plus de 4 millions de personnes selon les organisateurs et une bonne cinquantaine selon la police, demande au gouvernement d'intervenir en exigeant des contrôles stricts sur la provenance des œufs.
12 Septembre 2010, 14 h 24 : Des manifestations gagnent l'Europe entière. Toutes les productions d'œufs sont stoppées. Une cellule de crise est réunie à Bruxelles afin de plancher sur le sujet.
13 Septembre 2010, 12 h 57 : Le présentateur du journal de 13 h, après avoir sacrifié au rituel de la météo et passé une interview de 10 minutes de Madame Sophie Frelin, dernière branleuse de dindons à Mézy-Laydouats en Saône & Garonne, aborde le problème des œufs frais : une commission au niveau Européen a été chargée d'étudier la question. Le président de la commission, Monsieur Dominico Corriquo est assisté du professeur Euzébio Toutébiaux rendu célèbre pour ses travaux sur la stérilisation des mouillettes en atmosphère marine et de l'économiste Valérien Jlévandhu qui a sauvé de la faillite les éleveurs de spaghettis nains lors du Krach de la bourse aux nouilles de 1999 en injectant des œufs durs déshydratés dans l'industrie de la conserve de vermicelles.
15 Septembre 2010, 7 h 59 : distraits par un nouveau scandale impliquant le ministre des faux plafonds et sa secrétaire, le public se désintéresse de l'histoire des œufs.
20 Mars 2017, 6 h 01 : La commission qui a siégé toute la nuit, rend son premier rapport de 2.643 pages, sans compter l'introduction de 67 pages, la table des matières et l'index de 48 pages. Les premières conclusions sont les suivantes : En vertu du principe de précaution inscrit dans la constitution, il est urgent d'envisager la production d'œufs sans coquilles, celles-ci pouvant retenir des agents pathogènes dangereux, telle que la bactérie Escherichia-Mouchiadur, présente seulement dans les œufs d'ornithorynques angora, mais pouvant migrer par le phénomène d'osmose cavaleuse et se révéler dangereuse pour la santé des humains.
20 Mars 2017, 12 h 49 : Le présentateur du journal de 13 h, après avoir annoncé la météo du jour (beau temps partout et pluie ailleurs), afin de ne pas inquiéter la population, passe immédiatement un reportage sur une explosion nucléaire en Chine ayant fait 28 millions de victimes, mais sans danger pour les français, les vents soufflant de l'ouest. L'affaire des œufs est passée sous silence ! La désinformation fait son œuvre...
3 Novembre 2021, 9 h 55 : Un addendum de 329 pages au rapport de la commission de Bruxelles stipule que désormais, seuls les œufs sans coquilles pourront être commercialisés. Les poules ont 6 mois pour se conformer à la législation et se mettre aux normes.
3 Novembre 2021, 9 h 57 : Le célèbre commerçant-philanthrope Pierre-Jean-Claude-Michel-Edouard Cépaclair annonce qu'il a passé un contrat avec le professeur Euzébio Toutébiaux qui vient de mettre au point une race de poules sans plumes qui pond des œufs sans coquilles.
7 Juin 2035, 12 h 44 : Le journal de 13 h s'ouvre sur une météo mitigée avec des risques de verglas dans le métro et aussitôt après avoir brièvement évoqué la catastrophe qui a englouti la veille la moitié de la population Africaine, le présentateur annonce que le professeur Euzébio Toutébiaux, dont les travaux sont sponsorisés par les magasins Croisement-Cépaclair, vient de mettre au point des œufs cubiques sans coquilles ! Plus pratiques à ranger, ils sont garantis zéro bactéries ! Une révolution !!
25 Juin 2035, 8 h 44 : Des individus sans scrupules sont entrés par effraction dans le poulailler des magasins Croisement-Cépaclair, pourtant un des endroits les mieux gardés au monde, et ont enlevé une douzaine de poules cubiques sans plumes mises au point par le professeur Euzébio Toutébiaux. Ce dernier est effondré ! La fondation pour la protection des poules cubiques créée par les établissements Croisement-Cépaclair est intervenue ce matin en direct sur toutes les chaînes de télévision en la personne du propre fils du fondateur pour appeler les ravisseurs à la raison. En effet, ces malheureux animaux ne peuvent survivre en dehors du poulailler où règnent une température constante de 24,7 °C et une hygrométrie de 63,4 %. Par ailleurs, la durée artificielle du jour ayant été ramenée à 4 heures 25 minutes pour des raisons de confort pour les animaux, ceux-ci risquent d'être fortement perturbés par le changement de rythme. Enfin la nourriture : ces poules ne mangeant que du maïs Sibérien, épluché et lyophilisé, elles ne supporteront pas un régime différent. Un portrait des poules a été diffusé et une forte récompense est offerte pour la capture des ravisseurs.
25 Juin 2035, 9 h 48 : La promesse de récompense a porté ses fruits, le chef des ravisseurs a livré aussitôt toute sa bande, lui compris, pour toucher la prime. Les poules sont saines et sauves. On n'ose imaginer ce que les kidnappeurs auraient pu faire de ces pauvres animaux et surtout exploiter la production d'œufs à des fins purement mercantiles, sans aucune garantie pour le consommateur au risque qu'un marché parallèle ne nuise rapidement à la santé de toute la population.
25 Juin 2035, 12 h 37 : Le journal de 13 h annonce une météo favorable à la pêche aux moules dans le Limousin et une bonne nouvelle : trois français sont retrouvés sains et saufs à la suite de la catastrophe d'hier en Afrique qui aurait fait plus de 199 millions de victimes selon le ministre des parcs d'attractions interrogé ce matin à la cantine du ministère, alors qu'il prenait son petit déjeuner à la hâte. Ces trois français se seraient endormis dans une salle d'attente à Roissy et auraient raté leur avion pour Bamako, ce qui leur a probablement sauvé la vie. Leur famille a été reçue par le chef de l'état et une cellule psychologique accueille tous ceux qui partagent leur émotion.
3 Avril 2039, 5 h 56 : on a débusqué un éleveur de poules clandestin qui s'était dissimulé dans le parc Monceau pour se livrer à son odieux trafic ! Les volatiles ont du être abattus sur place nous a déclaré le chef des opérations, le colonel De Brochay-Sosnantua, qui a avoué ne jamais avoir vu de pareils monstres. Les " poules " en question avaient une forme bizarre, un peu ovoïde, elles étaient couvertes de plumes et pondaient des œufs qui ressemblaient à des balles de ping-pong, en plus allongé. Le dangereux maniaque responsable de cette manipulation génétique immonde sera jugé et exécuté dans les plus brefs délais. Le parc Monceau a du être fermé au public pour être désinfecté.
28 Avril 2039, 15 h 30 : Le professeur Euzébio Toutébiaux annonce qu'il est enfin arrivé à la perfection pour la race de poule qu'il a mise au point. Il est désormais impossible d'attraper la moindre maladie en mangeant des œufs. C'est le fruit d'un long travail, a-t-il confié à notre reporter ! Les animaux cubiques sont plus faciles à ranger, ainsi que leurs œufs. Ceux-ci, dépourvus de coquilles, ne peuvent transmettre aucunes des bactéries qui autrefois étaient dissimulées justement dans les coquilles, tombant inopinément dans la mayonnaise ou la pâte à crêpes lors de la manipulation des œufs, provoquant d'horribles maladies chez les consommateurs imprudents. Les poules sont donc cubiques, dépourvues de plumes, et pour des questions évidentes d'hygiène, leurs pattes sont plastifiées et ont été raccourcies de 6 cm afin d'éviter que l'œuf ne se détériore lors de la ponte. C'est une race très prolifique puisqu'elles arrivent à pondre jusqu'à 5 œufs par jour.
4 Mai 2039, 22 h 57 : Le peintre Picasso, qui avait été traîné dans la boue suite à l'effondrement des valeurs artistiques lorsqu'on avait retrouvé une confession signée de sa main affirmant qu'il s'était bien foutu de la gueule du monde en peignant des toiles très moches qu'il avait vendues très chères est réhabilité pour avoir peint le premier des poules et des œufs cubiques. Son arrière petit fils est félicité, décoré avec des guirlandes lumineuses et fait chevalier de l'ordre du Paris-brest en souvenir de la pâtisserie préférée de son aïeul.
30 Octobre 2049, 14 h 44 : On apprend le décès du professeur Euzébio Toutébiaux. Le malheureux a été retrouvé pendu à la cime d'un fraisier. Il s'est probablement suicidé car on a retrouvé une lettre écrite de sa main accrochée à un couteau qu'il s'était planté dans le dos et expliquant en quelques mots son intention d'en finir avec la vie. Il effectuait actuellement des recherches sur la production de fraises des bois en milieu hostile et avait été rendu célèbre au début du siècle par ses travaux sur les poules cubiques.
25 Mai 2054, 12 h 22 : Le journal de 13 h annonce une météo encourageante pour repiquer les laitues. Le présentateur, expert en salades, explique longuement comment s'y prendre. Suite à de nombreux décès survenus consécutivement à l'ingestion d'œufs cubiques, une intervention de Monsieur Antoine-Pierre-Jean-Claude-Michel-Edouard Cépaclair, patron des Ets Croisement-Cépaclair, explique aux consommateurs ignorants que les œufs cubiques vendus avec le label " zéro bactéries " ne peuvent être garantis tels que s'ils sont consommés instantanément dans le magasin. En effet, le commerçant ne peut être tenu pour responsable si l'acheteur a les mains sales ou s'il contamine sa nourriture par des moyens qui échappent à la vigilance des sentinelles de la traçabilité. Aussi, dorénavant, pour assurer la sécurité totale du consommateur, si ce dernier souhaite consommer des œufs cubiques en dehors du périmètre de sécurité du magasin, il devra s'être fait emballer sous vide à l'entrée, afin que la chaîne de l'hygiène soit préservée. Cette opération se fera aux frais de l'acheteur qui reste libre de consommer sur place son achat ou pas. Il devra par ailleurs signer une décharge comme quoi il s'engage à garder sa combinaison anti-bactéries tant qu'il n'aura pas consommé les œufs. L'allocution se termine par l'hymne national salué par le présentateur au garde à vous.
12 Mars 2063, 11 h 45 : Le journal de 13 h annonce du beau temps sur tout le territoire, sauf partout où il va pleuvoir. Le présentateur invite à rejoindre en direct de Vanlébeu l'envoyé spécial qui va commenter l'évènement du jour : à Vanlébeu donc, on inaugure en présence du ministre de la volaille et de la sous secrétaire d'état aux tartes aux fraises, une stèle à la mémoire de Jean-Emile Acharu disparu tragiquement voilà 1 siècle,. Le ministre fait un rapide et émouvant discours rappelant le parcours exemplaire du défunt, grâce à la mort duquel on a pu échapper à la plus grave épidémie jamais vue depuis la rougeole Mélanésienne de 1315 qui anéanti 87 % de la population des Etats-Unis*. Sans le sacrifice involontaire de Jean-Emile Acharu l'acharnement du commissaire Eugène Barbapoil, des millions de nos concitoyens auraient probablement péris dans d'atroces souffrances après avoir absorbé des œufs contaminés. Dors en paix, Jean-Emile, la nation reconnaissante et les établissements Croisement-Cépaclair t'offrent ce monument en mémoire de ce jour où tu perdis la vie pour que d'autres puissent jouir en toute quiétude du bonheur de vivre dans une société apaisée. Vive la république, vive la France ! La Marseillaise et des applaudissements nourris conclurent ce vibrant hommage.
*(Heureusement, à cette époque l'Amérique n'ayant pas encore été découverte, l'information passa inaperçue et la population ne s'en rendit même pas compte.)
ça s'est passé un 25 Juin !
Nous sommes le 25 Juin 1952, il est très exactement 7 heures quarante deux minutes et monsieur Henri-Jean Dumoux-Devaux jette un coup d'oeil par la fenêtre de son appartement situé au 3ème étage d'un petit immeuble cossu de l'Avenue du Colonel De Brauchay-Sosnenthua.
Le temps est un peu couvert, et il fait frais pour la saison. Henri-Jean pense alors qu'il va bien supporter son pull over en velours de pipistrelle Corse que sa tante Boldoflorine lui a tricoté.
Il regarde sa montre posée sur le rebord de la table, tandis que la pendule marque 7 heures quarante trois.
Il sort alors de son appartement, referme soigneusement sa porte à clef en la laissant dans la serrure pour la femme de ménage, en qui il n'a pas assez confiance pour lui en confier une. Puis il descend rapidement l'escalier jusqu'au rez de chaussée, franchi la porte et s'apprête à traverser l'avenue pour aller prendre son bus de 7 heures 50 lorsqu'il s'aperçoit qu'il a oublié son escabeau gonflable dont il ne se sépare jamais en juin, au cas où il y aurait des cerises à cueillir en cours de route. Il fait donc demi-tour promptement et remonte chez lui pour chercher sa petite échelle.
Pendant ce temps, Jules Tandarivé, chauffeur du bus 67, tourne le coin de l'avenue du Colonel De Brauchay-Sosnenthua avec 4 minutes d'avance sur son horaire habituel, avance qu'il a pris volontairement afin de pouvoir écouter sur Radio-Paris, la fin du match de tennis aquatique qui oppose l'équipe de Vladivostok à Bécon-les-Bruyères, dont il est supporter.
C'est donc à 7 heures quarante six que son bus arrive à la station " Marché aux moules " où Henri-Jean monte d'ordinaire. Jules marque l'arrêt, personne n'attendant, il repart aussitôt !
Il est maintenant 7 heures quarante sept, le bus est reparti.
Henri-Jean ne redescendra pas de chez lui.
S'étant aperçu qu'on était mercredi, son jour de repos, il s'est même recouché !
S'il avait travaillé, il aurait raté son bus !
A quoi ça tient, quand même...
La préparation du Flugom
Reportage de nos envoyés spéciaux : Noël O'balcon et Paco Tison.
Tout le monde a chez lui une petite boite ou un rouleau de flugom, mais sait-on comment il est préparé ?
NON ! (d'après un sondage réalisé sur un échantillon gratuit de la population, 97% des personnes interrogées ignoraient totalement pourquoi on leur posait la question et les 8,4% restants s'en foutaient royalement).
Nous avons donc résolu d'enquêter sur le sujet, afin de permettre à chacun de s'instruire à peu de frais.
C'est dans la petite bourgade de Mezy-Laydouas que nos deux reporters ont pu obtenir les renseignements nécessaires à satisfaire notre légitime soif de savoir. Pour l'apaiser (87 Kg sur la bascule), levons donc nos verres à ces forçats de la route, qui à l'instar de philosophes péripatéticiens comme Alexandre d'Aphrodise (ou plus récemment d'Alexandre de secret story4), arpentent l'hexagone pour notre bien-être culturel.
C'est donc dans cette petite ville de 1.322 habitants le jour, et 1.321 la nuit, (car la femme du boulanger ne dors pas là, mais chez son cousin Pompon, dans le village voisin de Tivafort Sur Lafine pour des raisons de commodités, l'appartement du boulanger étant dépourvu de cabinets), que débarquent nos deux envoyés spéciaux, par un bel avant midi d'octobre.
C'est à l'auberge du faisant enrhumé, admirablement tenue par un ancien Anglais repenti répondant (si on l'appelle) au nom de Walter Lomor-Neplene que nos amis décident de prendre leur repas.
Ils poussent donc à midi moins deux tapantes la porte de l'estaminet, prennent deux repas sur l'étal, règlent la note, et s'en vont le manger en face car l'auberge de Walter ne sert pas à table, faute de disposer de couverts.
En face, c'est la Taverne de Maître Hounepazaitre, qui lui, fait table d'hôte en fournissant les couverts, mais pas les repas.
Nous nous installons donc, et afin de briser la glace, Paco projette un tabouret de comptoir dans le miroir situé derrière le patron, qui semble aussitôt nous porter de l'intérêt. Néanmoins, nous comprenons assez vite que manifestement les étrangers ne sont pas les bienvenus, et nous terminons notre frugal repas dehors, repas à base de pignosse, sorte de hachis local, fait de purée de concombre et de cervelle de canard macérée dans de l'eau de vie de mortadelle.
En écoutant un peu les conversations, nous avons tout de même eut le temps de noter qu'ici, 84,6% de la population vit de l'industrie du flugom, plus ou moins directement.
Et maintenant, au travail !
Tout d'abord, et en premier lieu, il convient d'aller visiter la mine d'où l'on extrait le minerai servant à fabriquer les garboulettes, outils indispensables à travailler le flugom.
La mine est située à deux cent mètres à peine du centre ville, qui lui, pour des facilités de transport, à été déplacé et installé à 12 kilomètres du bourg. Ainsi, un tramway écologique à vapeur gratuit, relie le centre ville à la mine, ce qui permet aux ouvriers d'accéder facilement à leur lieu de travail.
On entre dans la mine par la sortie, pour éviter d'une part de payer l'entrée, et d'autre part par le fait que le Prévost Jacques Cuse, en 1675, a ordonné que cette dernière soit murée comme mesure de protestation contre le franchissement sans autorisation du col du Tourmalet en chaise à porteur par Madame de Maintenon.
On emprunte un escalier (au taux relativement raisonnable de 3,2%) et après avoir descendu 683 marches, on accède à un ascenseur qui vous remonte quelques 18 mètres plus haut, ce qui évite quand même beaucoup de fatigue.
Là, un préteur sur badge vous attribue un instrument à choisir dans une panoplie impressionnante allant de l'écumoire à cornichons au rouleau compresseur de compétition. Noël choisi pour sa part un presse purée en moleskine, et Paco un plastron en faïence du XVII ème siècle, afin de ne pas trop se charger pour la visite.
Nous suivons alors notre instinct ainsi qu'un couloir long de 908 mètres, aboutissant à une grande salle qui nous indique que nous nous sommes trompés de chemin. Après lui avoir recommandé d'aller se faire voir dans une savonnerie renommée, nous rebroussons chemin, et sur la droite nous découvrons une pièce cette fois beaucoup plus petite, mais propre.
Des ouvriers mineurs travaillent ici à l'extraction de la mornifle, minerai qui va, après traitement, servir à fabriquer les garboulettes.
La mornifle se présente, de face généralement, comme une petite calotte, et par sa dureté, indice 0,89 sur l'échelle de Protolochov, se situe entre la guimauve et le radis noir.
Elle est détachée, d'abord à l'eau écarlate, puis délicatement à l'aide d'une cuillère à absinthe ou d'une fourchette à huitre, de la roche volcanique qui l'abrite gracieusement depuis des millions d'années.
Paco saisi un morceau de ce minerai, et constate au toucher qu'il est un peu gluant et que son odeur n'est pas sans rappeler celle de la fleur de quincailler fanée. Il lui faut ensuite se laver soigneusement les mains avec une solution de mots croisés appropriée pour éviter toute contamination.
Noël et Paco sont raccompagnés vers la sortie et prennent alors le chemin de l'usine située à proximité.
L'usine ressemble de loin au centre Pompidou, mais de près plutôt au palais du facteur Cheval, sans les coquillages.
Un gardien de nuit chaussé de grosses lunettes fumées, faisant des heures supplémentaires, leur ouvre un grand portail constitué de deux vantaux égaux en bois de justice militaire donnant sur une cour carrée d'environ 10 mètres de rayon. L'usine se dresse au fond de la cour, impressionnante.
" Est-ce vous qui l'avez dressée ? " Demande Noël au gardien.
" Non, c'est l'arrière grand oncle du propriétaire, un certain Ernest SUDEST, qui avait le sens de l'orientation et du dressage ! "
Paco laisse alors échapper un sifflement admiratif. " En tout cas, elle est bien dressée ! "
Mais voyons ce que le minerai devient après son arrivée à l'usine.
Le minerai extrait est donc ensuite traité, par le mépris. C'est-à-dire laissé en quarantaine pendant une période allant de 33 minutes à 12 ans, selon son degré de nocivité, évalué grâce à un demerdomètre (du nom de son inventeur Albin Demere) qui ne peut cependant excéder, exagérément son entourage d'une part, ou 65,32 d'autre part, qui est la valeur maximale admise au-delà de laquelle le minerai sera considéré comme impropre à l'exploitation, et recyclé en asperges artificielles pour les décorations de Noël.
Noël en profite d'ailleurs pour postuler à cette décoration, puisque son nom de baptême l'y autorise.
Paco félicite son complice par avance pour cette promotion improvisée, mais méritée.
Paco et Noël se font ensuite expliquer la transformation du minerai en matériau propre à fabriquer les indispensables garboulettes.
En fait, le procédé est assez simple, il suffisait d'y penser.
La mornifle, après la période de repos compensateur nécessaire, est soigneusement lavée à la brosse à mornifle et à l'eau javellisée à 3% dans des grands bacs à rhubarbe réformés, utilisés pour la circonstance. Elle est ensuite séchée à l'aide de séchoirs à méduses modifiés, dans lesquels on a tout bêtement remplacé la traditionnelle grille de 16 par une grille de 22, mieux adaptée.
Au bout de quelques heures, la mornifle est épluchée, puis concassée, c'est-à-dire cassée un peu n'importe comment, et enfin fondue dans un four à mornifle à 36,5°C (car la mornifle fond à basse température), puis le minerai liquide est mélangé à 4% de roquefort suédois, afin de lui assurer la résistance indispensable à l'usage auquel on le destine.
Il est ensuite refroidi lentement et artisanalement par des souffleurs de mornifle, qui se relaient pour assurer la parfaite finition du produit. En effet, une garboulette fabriquée en mornifle ayant séché trop vite sera cassante, alors que si elle a séché trop lentement, l'instrument obtenu sera mou et inutilisable (Sauf, accessoirement, pour la décoration).
Subjugués, Noël et Paco laissent alors échapper des cris admiratifs qui sont bien vite rattrapés par le gardien chargé de veiller à ce qu'aucun intrus ne puisse divaguer dans l'usine sans autorisation.
Celui-ci leur montre alors le chemin de l'usine à garboulettes qui jouxte celle qu'ils viennent de visiter.
Celle-ci est constituée de plusieurs bâtiments. Le premier fait approximativement 80 mètres de long sur 2 de large, et emploie une quarantaine d'ouvriers, à raison d'un tous les deux mètres. Ces derniers sont allongés par terre, un tapis roulant passe au dessus d'eux transportant la mornifle préparée, et ils ont la charge de veiller à ce qu'elle soit conforme, vue de dessous.
Le deuxième bâtiment, beaucoup moins long, fait environ 2 mètres de long, mais sur 80 de large, et là, des ouvriers sont allongés sur le ventre dans des hamacs à 1 m de hauteur, tandis que la mornifle défile au sol, sur un tapis roulant. Leur mission consiste à vérifier la conformité du matériau, vue de dessus.
Un troisième bâtiment de 2 m sur 2 m ne sert à rien, car il est trop petit, et la porte en a été condamnée par les syndicats en 1918, suite à la faillite de l'emprunt Russe dont la souscription auprès des ouvriers s'était effectuée dans ce bâtiment. Une plaque commémorative en Porphyre de 2 m sur 3, offerte par le Tsar au petit peuple de Mezy-Laydouas rappelle cet épisode de l'histoire. On peut y lire :
Popov ladanlov, roublard kopeks evaporov, bistro kafépouchkine vodka noyef chagrinski
Moment d'émotion pour Noël et Paco qui déposent une gerbe d'étincelles, symbole de l'intelligence et de l'amour du peuple pour le travail, sur le pas de la porte.
La visite se termine par le bâtiment principal dans lequel s'affairent les garbouleurs, ouvriers spécialisés dans la fabrication de la fameuse garboulette.
Ces précieux outils sont entièrement réalisés à la main, selon des gestes ancestraux dont l'efficacité demande parfois des années avant que d'être, par une redoutable précision, la force résolue et invincible du monde des artisans qui peuplent encore nos belles campagnes.
Par exemple, Maurice Quetou, affecté à la débreuleuse, sait très exactement comment abaisser le levier qui va déclencher le crafier dont la dentelure accrochera la crémaillère précisément à l'endroit nécessaire au dévieur d'intensité, lequel poussera alors le crompon dans l'esbugnette, provocant l'époignage de la pièce maintenue par les griffes du strachion.
" Et si Maurice se trompe d'un quart de seconde, s'il n'applique pas absolument sur son levier la force de 4,5 Newton, que se passe-t-il ? " Demande Noël.
Silence de mort à la question de Noël. L'usine reste muette, personne ne pouvant envisager que Maurice n'applique pas la bonne force au bon moment. Il ne peut pas se tromper ! 25 ans à la débreuleuse, impossible de faire une erreur ! Pas plus que Roger Paltantdialé, en poste sur l'enguirnoufleuse, Amandine Osaure, irremplaçable sur le troufigneur à double courroie, Edmond Cussedupoulé indispensable aux commandes de l'éblugneur, et puis les autres, Casimir Oska, Ghislaine Pingouin, Patrice Tedutou, et j'en passe... Autant de fiers ouvriers qui participent à la prospérité de la commune, grâce à leur glorieux travail, dont nous nous sommes faits les témoins et l'écho le temps d'un reportage.
Nous voilà rassurés, les garboulettes sortent bien de l'usine, soigneusement contrôlées, vérifiées sur toutes les coutures, et elles vont pouvoir servir à travailler le flugom, et ceux qui aujourd'hui se seront enrichis de cette page didactique, pourront dire avec une légitime fierté : " Je sais avec quoi on fait ça ! " phrase magique qui leur ouvrira les portes des hauts lieux de la pensée intellectuelle de ce pays et des jeux de haute tenue culturelle, tels ceux que l'on peut suivre sur les chaînes privées de la télévision, le soir avant la soupe.
Des fois, même après.
Remercions nos deux journalistes Noël et Paco pour leur compte rendu édifiant. MB